Audrey Richard revient sur les bouleversements vécus dans les entreprises depuis un an, notamment au groupe Up dont elle est la DRH. Nouveau lien à l’entreprise, porosité entre la vie professionnelle et la vie personnelle, accroissement des inégalités, dialogue social réinventé…
Quels faits marquants retenez-vous de la période écoulée ?
Ce qu’on a tous constaté ce sont les inégalités qui se sont accentuées en restant à la maison. L’entreprise s’est finalement révélée, par son absence forcée, comme un lieu garant d’équité, d’équilibre de vie et parfois même de sécurité dans des situations personnelles complexes. Contre toute attente, beaucoup de nos salariés souhaitent revenir pour retrouver la collaboration, la solidarité, la convivialité et donc, parfois, la sécurité.
Chacun a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation au télétravail, notamment les managers, qui ont franchi un cap dans cette période. Ils ont appris à manager à distance et à détecter les signaux faibles des risques psychosociaux. Avec cette expérience, la plupart d’entre eux misent désormais davantage sur l’autonomie des collaborateurs et la confiance. Les liens ont aussi gagné en authenticité et en entraide.
Afin d’accompagner les managers, nous avons utilisé la plateforme Wittyfit pour mesurer le taux de satisfaction des collaborateurs vis-à-vis de cette nouvelle organisation et recueillir leurs suggestions d’améliorations en matière de QVT notamment.
La participation à la première enquête menée en début d’année était bonne et, surtout, les idées déposées ont permis de prendre ensemble des décisions structurantes pour la QVT et la performance collective : nous avons fixé une durée maximale de 45 mn à nos réunions, nous les avons proscrites le midi pour préserver la pause déjeuner et aussi après 18h. Enfin, on essaie de consacrer la journée du vendredi aux échanges avec les équipes, ou les duos.
La prochaine étape, et c’est un défi de taille pour les RH, c’est de garantir voire recréer le lien collectif, particulièrement malmené depuis plus d’un an désormais.
Dans ce contexte extraordinaire, le dialogue social a-t-il été préservé ?
Nous avons vécu une période extraordinaire à titre individuel et collectif. Les partenaires sociaux et la RH, au contact direct des salariés pendant toute cette période, ont été confrontés à de nombreuses situations individuelles compliquées. Pour renforcer notre appui auprès des salariés, nous avons organisé une formation conjointe réunissant les organisations syndicales et les équipes RH sur la gestion des crises sociales et des risques psychosociaux. Collectivement aussi, les impacts ont été nombreux. Le dialogue social, en France et en Europe au sein du CE Européen, a été extrêmement dense et collaboratif. Partenaires sociaux et directions se sont adaptés à des délais de prise de décision raccourcis, à de nouvelles méthodes de travail. Nous nous réunissions quasiment toutes les semaines en digital et au final, nous avons réussi à signer des accords ambitieux.
Les accords que vous mentionnez portent sur quels sujets ? Le télétravail ?
Nos accords de télétravail ont un peu évolué en effet : 2 jours par semaine – au lieu d’un auparavant – y compris pour les salariés à temps partiel.
Mais le plus innovant est sans conteste notre accord portant sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), il est aussi très important dans la réussite de notre projet stratégique. Il nous permet d’anticiper les évolutions des métiers grâce à la création d’un Observatoire des Métiers et des Compétences (composé d’un représentant par Organisation Syndicale, 2 représentants de la DRH, 1 représentant par famille professionnelle).
Nous nous engageons aussi à accompagner les collaborateurs dans leurs souhaits de mobilité interne car c’est le levier privilégié de développement des compétences au sein de l’entreprise.
L’employabilité et la sécurisation des parcours professionnels en dehors du Groupe sont aussi des enjeux majeurs pour les métiers en diminution du fait de la digitalisation de nos activités, fortement accélérée depuis un an. Nous mettons donc en œuvre la Mobilité Volontaire Sécurisée qui permet à un collaborateur de partir exercer une activité dans une autre entreprise, mais avec la sécurité d’un retour possible chez Up si la tentative n’est pas concluante.
Nous faisons aussi bénéficier les salariés de plus de 50 ans ou en situation de handicap d’un Congé de Mobilité rémunéré de 12 mois pour les salariés. Bien sûr, le volet formation demeure l’un des leviers essentiels de l’évolution professionnelle tout comme l’accompagnement à la reprise ou à la création d’entreprise.
Tous ces dispositifs répondent à des attentes fortes, relayées par les partenaires sociaux.