Pénurie de main-d’œuvre, quête de sens des salariés et mobilité professionnelle au plus haut : pour les entreprises, 2023 ne s’annonce pas simple. Quelques clés pour bien recruter et fidéliser avec les conseils de Fatine Dallet, du cabinet Michael Page France.
Quelques mois après le début de la pandémie de Covid, la Grande démission a touché les États-Unis. On a pu craindre que cette vague massive de démissions s’abatte ensuite sur la France. Selon une publication de la Dares (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) , « fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint un niveau historiquement haut, avec près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI. » Pour retrouver des chiffres aussi élevés, il faut remonter en 2008.
« On préfère parler de grande mobilité »
Il faut néanmoins nuancer ce phénomène. « En France, on préfère parler de grande mobilité plutôt que de grande démission », souligne Fatine Dallet , Executive Director chez Michael Page France. Pour elle, ceci n’est ni inédit, ni surprenant. « Il y a eu un grand ralentissement avec la période Covid. Le marché retrouve tout simplement son évolution d’avant 2020, sachant que 2019 était une année record en terme de mobilité professionnelle. » La Dares abonde en ce sens, soulignant que « dans le contexte actuel, la hausse du taux de démission apparaît (…) comme normal. »
Michael Page France constate dans le même temps un volume de recrutement record par rapport aux précédentes années. Et, selon la Dares, « les retours à l’emploi des démissionnaires semblent rapides malgré le niveau élevé des démissions : environ 8 démissionnaires de CDI sur 10 au second semestre 2021 sont en emploi dans les 6 mois qui suivent ».
Repenser ses recrutements : une priorité
Le problème, pour les entreprises, n’est pas tant le nombre de démissions que la pénurie de main- d’œuvre dans certains secteurs. Celle-ci existait déjà avant la pandémie et s’est accentuée. Services à la personne, restauration, emplois qualifiés en IT … « Les difficultés de recrutement sont à des niveaux inégalés dans l’industrie manufacturière et les services, et au plus haut depuis 2008 dans le bâtiment » , ajoute la Dares.
Fatine Dallet observe une inadéquation entre les formations des candidats et les compétences attendues par les entreprises. Face à la pénurie, ces dernières n’ont pas d’autre choix que de revoir leur modèle de recrutement. « Dans un marché de pénurie de main d’œuvre et de compétences, notamment liées aux nouvelles technologies, on doit miser davantage sur les soft skills (compétences sociales) que sur les compétences techniques (hard skills) », ajoute-t-elle. Un candidat peut ne pas avoir toutes les compétences techniques mais le potentiel pour en développer d’autres. En l’accompagnant, l’entreprise lui permettra une montée en compétence. La formation devient ainsi une des clés du recrutement. « Il faut savoir approcher le candidat avec une connaissance de son expertise et lui expliquer en quoi le poste lui permettra de progresser », abonde Fatine Dallet.
Diversité, RSE : les leviers de recrutement et de rétention des talents
En cette période de grande mobilité, les enjeux de recrutement se recoupent avec ceux de rétention des talents. « Les attentes des salariés évoluent, et dans un contexte de pénurie, ils sont très sollicités par le marché, explique Fatine Dallet. D’où l’importance de travailler sa marque employeur pour être attractif mais aussi « chouchouter » ses talents ».
Ainsi, le Baromètre européen BVA- Human & Work « Au cœur des nouveaux enjeux RH » indique que pour 2023, la préoccupation principale des Directeurs & Directrices des Ressources Humaines, partout en Europe, est de renforcer l’engagement des salariés. Ils donnent trois axes de travail principaux : renforcer la cohésion interne et l’ambiance de travail au sein des équipes (38 % des réponses en France), renforcer la reconnaissance des salariés (34 %) et donner du sens au travail (29 %).
Diversité et inclusion
La diversité est un atout pour attirer les talents, particulièrement les plus jeunes qui y sont très sensibles. « En France, on vient de très loin, modère Fatine Dallet. Nous travaillons sur ce sujet avec les hiring managers (…) pour leur expliquer qu’on ne crée pas beaucoup de valeur avec des salariés qui se ressemblent tous. »
Par ailleurs, après la transition digitale, les entreprises devront négocier la transition écologique. « Celle-ci devrait créer 24 millions d’emplois dans le monde d’ici à 2030 selon le Bureau international du travail », insiste Fatine Dallet. D’où l’importance de miser dès aujourd’hui sur l’apprentissage et la formation, pour recruter mais aussi pour aider ses salariés, y compris les seniors, à développer les compétences nécessaires.
Soigner sa marque employeur et sa RSE
« Les nouvelles générations ne vivent plus pour travailler mais travaillent pour vivre », rappelle Fatine Dallet. Pour répondre à cette quête de sens, il est crucial de soigner sa marque employeur et d’impliquer les salariés dans ses engagements RSE. Plusieurs solutions concrètes existent déjà : congés de mécénat, flexibilité des horaires, possibilité de télétravail voire full remote… Il faut aussi envisager de sortir des classiques contrats en CDD ou CDI pour inventer de nouveaux types de recrutement, qui permettent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.