Enjeux sociétaux
Le monde du travail
6 min
21.02.2022

Le smart working touche à la transformation de la société

Aux côtés des acteurs du dialogue social dans l’entreprise, le groupe Up apporte des solutions pour améliorer la qualité de vie des salariés, telles que la plateforme d’engagement et de transformation RH Wittyfit®.

Le groupe Up partage également des éclairages et décryptages sur les évolutions du monde du travail, en donnant la parole à des experts. Focus sur le smart working, nouvelle tendance RH, au travers de l’interview de Stéphanie Chassério.

Stéphanie Chassério est professeure associée de Skema Business School, spécialisée dans les pratiques de gestion des ressources humaines et les modes d’organisation du travail. Ses recherches portent notamment sur la qualité de vie au travail et sur les risques psychosociaux liés à l’organisation du travail. Elle nous partage son point de vue sur le smart working, nouvelle tendance RH.

    Qu’est-ce que le smart working ?

    C’est, certes, un terme récent mais qui ne recouvre rien de si nouveau. Il s’agit de réfléchir à l’organisation physique du travail (espaces de travail, salles de pause, de réunion, de coworking) mais aussi à celle des temps de travail (flexibilité des horaires, télétravail). Ces nouveaux modes d’organisation ne peuvent pas être considérées sans prendre en compte leur impact sur la qualité de vie au travail.
    Aujourd’hui, il semble en ressortir beaucoup d’aspects positifs pour les salariés, tout en demandant une prise en compte plus individualisée des besoins de chacun de la part de l’employeur. Et puis, au-delà de l’aspect « marketing » de cette appellation, la question est donc de savoir si les modifications que recouvre le terme de smart working sont là pour durer.

      Le contexte de pandémie a t-il accéléré ces changements ?

    Certains employeurs, qui restaient réticents au télétravail, ont pu prendre conscience qu’il apportait des gains de productivité significatifs. Du côté de certains salariés, le télétravail a répondu à une attente, une libération de la supervision du manager. Ils ont pris de l’autonomie, parfois noué davantage de contact avec leurs collègues, même à distance… On a vu monter rapidement l’attente de flexibilité des employeurs sur l’aménagement du temps de travail. En France, plus de 4000 accords de télétravail ont d’ailleurs été signés ces deux dernières années. Ces changements dans l’organisation du temps de travail apportent du positif à la qualité de vie au travail. On sait que la flexibilité dans les horaires, plutôt que le travail « pointé » diminue le niveau d’anxiété et de stress. En outre, avoir la possibilité d’un peu de télétravail est intéressant pour les personnes qui ont des longs temps de trajet, facteur de fatigue important.

      Quelles peuvent être les limites de ces nouvelles organisations ?

      Obliger au télétravail sans discernement peut être contreproductif. Certaines entreprises ont par exemple vu dans le télétravail une opportunité pour gagner des mètres carrés de bureau. Elles instaurent un télétravail tournant avec flex office (non-attribution des bureaux à une personne en particulier). Or une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a démontré que ce n’était pas une bonne solution. Ces nouvelles conditions de travail soulèvent une autre question importante : on ne sait pas à long terme comment créer le sentiment d’appartenir à un collectif, quand ce collectif ne sera jamais physiquement réuni. Le sentiment d’appartenance à une entreprise passe aussi par les liens noués avec les collègues. Il va falloir développer des pratiques managériales nouvelles : séminaires, événements réguliers…
        Il est aussi indispensable de prendre en compte les variables individuelles. On n’a pas besoin de la même organisation du temps de travail ou du même lieu de travail selon qu’on est une jeune maman, un célibataire, un cadre… Par exemple, le télétravail de la maison n’est pas forcément la panacée pour certaines femmes, qui croulent sous leur double, voire triple journée en restant chez elles. Certaines d’entre elles préfèreront une solution de coworking, par exemple.
          Pour les célibataires – et ils sont nombreux de nos jours – le télétravail n’était souvent pas bien vécu du tout. J’ai pu interroger des dirigeants de PME- PMI qui ont dû rouvrir leurs locaux pour des salariés qui étaient en souffrance, seuls chez eux. Le travail est le seul lieu d’échanges pour certaines personnes. On a tendance à peindre une image sombre du milieu professionnel, mais pour beaucoup de gens c’est un lieu d’épanouissement !
            Enfin, il ne faut pas négliger la fatigue directement liée aux outils digitaux comme Teams ou Zoom. En résumé, la flexibilité est positive mais avec de bonnes conditions chez le salarié pour la mettre en œuvre, et si elle est proposée – et non imposée- par l’employeur. C’est un point clé.

              Quelles tendances cela dessine-t-il pour l’avenir ?

              A mon sens, les employeurs devront proposer un éventail de démarches possibles, et ajuster leurs contraintes de production avec les attentes des salariés. Cela va complexifier les accords et requêtes car tous les collaborateurs ne recherchent pas la même chose. Et les attentes évoluent avec la vie ! Le besoin de télétravail n’est pas le même selon qu’on est célibataire sans enfant, avec jeunes enfants, ou plus âgé avec des parents vieillissants. D’ailleurs, nombre de salariés et de cadres vont devenir aidants, cela va être un vrai sujet de société que les employeurs ne pourront ignorer. On ne peut pas limiter les aménagements possibles au seul temps de travail. L’équilibre vie privée -vie professionnelle va devenir un sujet bien plus large que la seule question des jeunes mères.
                En ce sens, le smartworking est bien plus qu’un gadget. Cela touche à la transformation de la société dans la structure des âges, dans la volonté de passer du temps à s’occuper de sa famille, dans la place que prend le travail dans la vie de chacun… Les deux années Covid ont beaucoup changé les attentes des travailleurs. On le voit, encore, aux États-Unis avec la Grande Démission (great resignation), un vaste phénomène de démissions professionnelles dès l’été 2020. Cela arrive en France : des salariés qui quittent leur poste pour chercher davantage de sens. L’organisation du travail devra intégrer ces nouvelles attentes.

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